Plongée dans l’irrévérence de « Fallait pas le dire » : la comédie qui bouscule les tabous au théâtre #
Origines et genèse d’une pièce écrite sur mesure #
À l’origine du projet, une demande explicite du couple phare Pierre Arditi et Évelyne Bouix, deux figures majeures du théâtre et du cinéma français. Leur souhait : explorer la complexité de la parole et des non-dits en duo sur scène, investir le jeu de la confidence et du secret dans une partition ciselée sur mesure.
La tâche fut confiée à Salomé Lelouch, scénariste et metteuse en scène reconnue du paysage théâtral parisien, nommée aux Molières pour sa précédente création « Politiquement Correct ». Inspirée tant par la modernité implacable du texte que par la singularité du tandem, elle a écrit spécifiquement pour eux une succession de tableaux cinglants, conçus pour éprouver leur virtuosité et leur alchimie. Le tout, sous la bannière de Matrioshka Productions en coproduction avec le Théâtre de la Renaissance, l’Atelier Théâtre Actuel et le Théâtre Lepic, référence de la scène contemporaine parisienne.
- Écriture contemporaine signée Salomé Lelouch, distinguée aux Molières 2019
- Conception sur commande pour Pierre Arditi et Évelyne Bouix, acteurs au palmarès impressionnant
- Naissance du projet au sein du Théâtre de la Renaissance, salle historique du boulevard Saint-Martin à Paris
Structure originale : des saynètes comme laboratoires de vérité #
L’ossature de la pièce rompt avec la mécanique linéaire traditionnellement adoptée par le genre : « Fallait pas le dire » s’articule autour de quinze saynètes autonomes, véritables laboratoires miniatures où l’intime rencontre l’universel. Chaque tableau fonctionne comme une expérience sociale : on y observe, analyse, décortique les mots risqués, les vérités qui dérangent, les petits arrangements du langage.
Cette structure fragmentée facilite l’exploration d’une large palette de thèmes brûlants — enchaînant tour à tour débats sur la procréation médicalement assistée (PMA), réflexions sur la laïcité, interrogations sur les questions de genre ou clins d’œil aux symboles contemporains comme la trottinette électrique. Les dialogues incisifs balancent entre mauvaise foi assumée, complicité espiègle ou confrontation idéologique, reflétant une société tiraillée entre le désir d’exprimer et la peur d’offenser.
- Saynettes sur des sujets comme le climat, femmes voilées, MeToo, chirurgie esthétique
- Mise en scène ironique, insolente, jamais moraliste
- Multiplicité de points de vue, effet kaléidoscopique qui bouscule les certitudes
Nous apprécions tout particulièrement l’agilité avec laquelle chaque saynète propose une nouvelle configuration d’arguments, de sensibilités, sans jamais imposer une seule lecture, mais en invitant le public à réagir, à douter, à réfléchir.
Le théâtre comme double décor : entre intimité et répétitions #
L’autre innovation majeure réside dans le jeu permanent entre fiction et réalité. Les personnages, miroirs de Pierre Arditi et Évelyne Bouix eux-mêmes, évoluent tantôt dans leur intimité conjugale, tantôt sur les planches, dans des séquences de répétition de théâtre intégrées à la pièce.
Cette mise en abyme se nourrit d’une scénographie volontairement dépouillée, faussement minimaliste, qui offre toute latitude au jeu des comédiens. Le spectateur se glisse dans la confidence des dialogues, devient témoin, sinon complice, d’échanges parfois cruels, souvent burlesques, toujours authentiques.
- Mélange de tranches de vie conjugale et scènes de théâtre dans le théâtre
- Décloisonnement entre vie privée et représentation, créant une ambiguïté troublante
- Scénographie épurée signée par l’équipe du Théâtre de la Renaissance, mettant l’accent sur la proximité avec le public
Cette porosité, entre le rôle joué et l’identité réelle des interprètes, insuffle une dimension nouvelle à la pièce, renforçant l’illusion comique et multipliant les niveaux de lecture. Nous observons ici une justesse rare, portée à son paroxysme par un duo rompu à l’art du double jeu.
Une radiographie piquante de la communication contemporaine #
Le texte éclaire avec une acuité redoutable les mécanismes d’autocensure qui régissent notre époque : peur de froisser, d’être accusé, de sortir du rang. Salomé Lelouch, déjà célébrée pour sa pièce « Politiquement Correct », approfondit sa réflexion sur la difficulté à dire, à nommer, à confronter, dans une société saturée de précautions oratoires.
On décèle une volonté affichée de mettre en question le politiquement correct tout-puissant, sans sombrer dans la provocation gratuite. Les personnages s’arc-boutent sur des postures contradictoires, entre tentation de la vérité crue et réflexes de dissimulation. Pierre Arditi et Évelyne Bouix jouent ainsi les équilibristes, passant du mot blessant à la pirouette salvatrice.
- Critique du langage codé et des euphémismes obligés
- Réutilisation des thématiques emblématiques de la dramaturge, présentes dès « Politiquement Correct »
- Questionnement profond sur le fossé entre intention réelle et mots prononcés
En prenant la parole sur des terrains glissants comme la question du genre ou les usages de la pudeur sociale, la pièce traduit brillamment les contradictions et les micromensonges qui irriguent toutes nos conversations modernes.
Réceptions publiques et critique de la comédie satirique #
Le retour du public et des critiques a été particulièrement animé lors des premières représentations au théâtre de la Renaissance, puis en tournée à travers la France. La presse, à l’image de Le Figaro ou Gala, a souligné l’énergie et la justesse du duo, saluant leur capacité à naviguer entre tendresse, irrévérence et tension dramatique.
Beaucoup voient dans cette pièce une occasion rare de réconcilier l’humour de situation avec un sous-texte social profond. D’autres, plus réticents, reprochent parfois une forme de raillerie ou une oscillation entre légèreté et sujet grave. Pourtant, il est indiscutable que « Fallait pas le dire » réussit à maintenir le public en éveil, souvent hilare, parfois dubitatif, jamais indifférent.
- Succès soutenu des ventes de billets dans les grandes métropoles comme Marseille, Lyon, Paris
- Lignes de dialogues abondamment reprises sur les réseaux sociaux comme Twitter et Instagram
- Interprétation jugée “électrique” et “intelligente” par Télérama et Le Parisien
Nous considérons que cette réception, foisonnante et contrastée, témoigne de la capacité de la pièce à provoquer la discussion, voire les désaccords — ce qui, dans le contexte du théâtre contemporain, est loin d’être anodin.
Les enjeux universels du couple révélés par l’humour #
Si la pièce excelle dans le démontage des tabous sociaux, elle n’oublie pas, au cœur de son dispositif, l’analyse de la relation conjugale. Pierre Arditi et Évelyne Bouix, couple “mythique” dans la vie comme sur scène, incarnent sans fard la complexité du couple moderne : mauvaise foi, jeux de pouvoir, microtraumatismes et moments de grâce s’y entrechoquent, en temps réel.
L’écriture, juste et sans complaisance, révèle combien il peut être impossible de tout dire, même dans la plus grande intimité, et combien l’effort d’essayer se révèle jubilatoire. Ces thématiques universelles — complicité, dissimulation, recherche de vérité — font résonner l’expérience de chaque spectateur, quelle que soit sa trajectoire personnelle.
- Portrait incisif mais réaliste du couple contemporain
- Mise en relief des notions d’intimité, d’amour et de mauvaise foi
- Humour comme moteur de réflexion sur les liens conjugaux
Nous reconnaissons dans cette démarche une manière pudique et pertinente de transcender la singularité des personnages. La pièce parle à tous, quelles que soient les opinions ou l’histoire personnelle, car elle met en lumière la beauté et la fragilité du lien humain — et le vertige de la liberté de parole.
Plan de l'article
- Plongée dans l’irrévérence de « Fallait pas le dire » : la comédie qui bouscule les tabous au théâtre
- Origines et genèse d’une pièce écrite sur mesure
- Structure originale : des saynètes comme laboratoires de vérité
- Le théâtre comme double décor : entre intimité et répétitions
- Une radiographie piquante de la communication contemporaine
- Réceptions publiques et critique de la comédie satirique
- Les enjeux universels du couple révélés par l’humour